Bulletin n°2 - décembre 2007
25-11-2007

"Personne n?est pauvre au point de ne pouvoir aider quelqu?un de plus pauvre que lui"

Andréa RICCARDI

Marie-Egyptienne, permets-moi de penser à toi ce soir.
Je revois ton logement, ou plutôt la cabane dans laquelle, en France, on n?oserait mettre du bétail. Deux mètres de large, deux mètres de long, un plancher pourri, des murs en planches disjointes, quelquefois avec des intervalles de cinq centimètres, doublés de plastique pour tenter d?arrêter la pluie. Un toit lui aussi doublé de plastique, gonflé de l?eau stagnante que l?on ne peut évacuer, car elle s?écoulerait à l?intérieur. Une épouvantable odeur de moisi, car il a beaucoup plu lors des 3 dernières semaines.

Que dire de ta santé Marie-Egyptienne? Que dire du charbon de bois humide qui ne peut s?enflammer ? Que dire du riz qui, avant de cuire constitue un bloc soudé par l?eau ? Que dire du matelas gorgé bien sûr lui aussi de toute l?humidité des marécages voisins ? Que dire, qui ne soit désespérance ?

Immense tristesse de ton regard, détresse même de tes enfants qui d?habitude sont les derniers à perdre le sourire. Que dire de l?indifférence de tes voisins, logés et vivant dans les mêmes conditions que toi ?

Comment faire comprendre notre écoeurement à la vue, deux jours plus tard, du pharaonique et luxueux palais présidentiel, dont le prix de revient eût certainement permis d?améliorer de façon sensible la vie de tous les habitants des bidonvilles ?

Au prétexte que cela se passe dans un pays étranger, nous n?aurions pas à juger ? Nul pays n?est étranger dès lors qu?il s?agit de la dignité des plus faibles, de leur survie. Nous ne pouvons nous abriter derrière aucun de ces raisonnements qui permettent de faire semblant d?ignorer.

Car nous voyons, car nous savons.

Et dès lors s?impose à nous l?obligation morale de faire savoir au plus grand nombre l?immensité des injustices qui frappent les plus pauvres, les plus démunis, et les empêchent à coup sûr de pouvoir s?en sortir.
Marie-Egyptienne, je souffre avec toi, je voudrais tant pouvoir te le faire comprendre. Mais tu as dépassé le stade où l?on peut encore accueillir la compassion. Je ne peux plus avoir de réaction autre que désespérée, tu ne peux plus croire en la fraternité, tu ne peux qu?attendre la délivrance de tes souffrances humaines, et même, ce qui est un comble, souhaiter que tes enfants connaissent au plus vite eux aussi cette délivrance. Nous t?avons rencontrée trop tard, le moment était dépassé où tu aurais pu réagir. Et nous n?avons pas été assez efficaces. Nous ne pouvons trouver d?excuse à une telle situation, c?est pour nous un terrible échec.
Aucune victoire ne pourra jamais nous faire t?oublier

Yvan

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